jueves, 26 de abril de 2018

the Lord of broken things...

And Jabim is the Lord of broken things, who sitteth behind the house to lament the things that are cast away. And there he sitteth lamenting the broken things until the worlds be ended, or until someone cometh to mend the broken things. Or sometimes he sitteth by the river's edge to lament the forgotten things that drift upon it.
A kindly god is Jabim, whose heart is sore if anything be lost.

Edward John Moreton Drax Plunkett, 18th Baron of Dunsany.

HALF (TIME) IN GERMANIC LANGUAGES

With English for a second language and Spanish and Valencian as my mother tongues, as well as general expertise in Romance languages, I still have this confusion with the Swedish "halv" and German "halb" used in clock-time expressions. As a child, as a teen, I could not understand how "halv sex" referred to 19:30, one hour later, while Sweden, Germany, and so forth share the same timezone with most of the European Union...
The snag is that not only Germanic languages (sans English, which took the "half past" surely from French influence), but also Slavic and Fenno-Ugric ones, use orientation points as time periods named by an ordinal number (“the 6th hour”, i.e. 5:01–6:00). Ordinal time indicating is well-known especially from Russian, which consistently has “10 of the 6th hour” (desjat’ šestogo) for 5:10, and so on. But it occurs also in German, especially with half hours (halb sechs for 5:30), though German does not use its ordinal numerals here. This distinction leads to another universal:
(5) Ordinal time periods are always full hours.
Thus, no language has something like “5 minutes of the 2nd half of the 6th hour” for 5:35.
In Russian, this system is quite thoroughgoing: minutes, quarters, and halves can be used in ordinal indications, but in southern German, only quarters and halves can be used in this way. So is it in Swedish and other Scandinavian languages. Other German varieties allow it only for halves. 
Icelandic
Á sjöunda tímanum í kvöld (The seventh hour)
- This means 18:01-18:59, it's within an hour, not a specific time
Hungarian

fél három (with no suffixes, litterally "half three") = 2:30
negyed három (lit. "quarter three") = 2:15
három negyed három (lit. "three quarter three") = 2:45
The western Slavic languages (as already told by Jazyk and Koniecswiata): 

Polish: Wpól do trzeciej (lit. half to third= 2:30
Czech: Půl třetí (lit. half of third= 2:30
Slovak: Pol tretej (lit. half of third= 2:30

The Polish version seems to be the most logical, as it is perfectly undestandable: "half an hour to the third hour". It's interesting though, that the western Slavic languages use ordinal numbers in this case. The same use of the ordinal for clarifying occurs in Russian, Slavic as well... but not in Germanic languages ("halb drei", "halv tre", etc.) or Fenno-Ugric ones ("fel három"), which use cardinal numbers to refer to ordinal time periods. That is the reason for so much confusion.
But, having grown accustomed to systems that use cardinal indications for the time (ie Romance languages and English) since childhood, old habits die hard and someone saying "halv fem," "halv sex..." or its equivalents in other languages still leads me to confusion.

PITOUTCHI (UN CHATON HÉROÏQUE)

XVII -Pitoutchi


Pitoutchi... Pourquoi pas Minet, comme un honnête chat d'intérieur? Pourquoi pas Poussy, ou Minou — comme s'appelle un chat enfin?
Voici : il faut savoir d'abord que Pitoutchi n'est pas un chat comme un autre. Sa belle fourrure blanche à taches grises, dont il est fier, lui donne, il est vrai, les espèces et apparences d'un chat : mais Pitoutchi n'a pas l'âme d'un chat. Les chats ne manquent pas, mon Dieu, en ce bas monde : il y en a assez, dans les chambres chaudes, dans les gouttières, la nuit ; méme aux tranchées, il y a des chats de toutes couleurs. Mais il n'y a qu'un Pitoutchi.
Et puis Pitoutchi n'est pas baptisé : il n'a donc pas reçu, comme les bébés qui sortent des choux, un nom à sa naissance. C'est un enfant trouvé. Son nom a poussé avec lui, au petit bonheur, en passant par bien des avatars, et, finalement, a prie cette forme drôle, qui ressemble à un éternuement de chat : Pitoutchi quand il est sage, Petoutchte quand on le gronde.
Pitoutchi est né de parents inconnus, à Oud­Stuyvekenskerke, au confluent du Zwartenloop et du Reigersvliet.
Un soir, par un temps de chien — un temps à ne pas mettre un chat dehors, — je me promenais dans le bourbier des tranchées. En passant devant un abri, j'entends un concert lamentable de « Miaou!! Miâoû !! Miâoû ! » J'écarte la loque d'entrée.
— Eh bien ! les anciens, dis-je en m'adressant à une rangée de pieds crottés, ça boulotte?
— Eh ! oui, tiens... Seulement, il y a de l'eau dans l'abri... Ah ! Monsieur le Bourgmestre ! Bonsoir.
— Vous avez des chats?
— Oh ! c'est des jeunes. Ils vont crever, la mère a été tuée.
Miâoû ! Miâoû ! Miâoû !
— On peut voir?
Après des reptations compliquées, j'arrive au fond de l'antre. On enlève un bout de sac qui couvre un panier : au fond, dans la paille, huit petites choses bariolées qui gigotent, avec des bouts de pattes roses, huit petites queues sans poils, huit paires d'yeux ronds aux paupières blanches fermées huit bouches sans dents, grandes ouvertes, qui hurlent, tettent dans le vide, cherchant la mamelle.
Des orphelins! Pauvres vies frêles !... Un chat — l'amour divin mis à part — n'est-ce pas presque autant qu'un homme ici, dans l'abjection de la tranchée qui égalise les êtres?
Miâoû ! Miâoû !... « Ils vont crever... » C'est à fendre l'âme.
— Donnez-les-moi.
Le présent est vite accordé ; et je m'en vais, ma famille sous le bras, cahincahan, vers mon abri.
— Qu'est-ce que vous rapportez là? s'exclame Hanquet en m'entendant rentrer avec mon panier de hurlements.
Je cours au téléphone.
— Allô ! le 1- 3 A , état-major... Allô ! le cuisinier... Allô ! vous avez du lait?
— Du lait?... presque plus.
— Faites-en prendre par un cycliste. Je vous le paierai tout ce que vous voudrez, mais il me faut absolument un litre de lait frais ce soir avec le ravitaillement.
— Tiens... Bien, mon capitaine, ce sera fait.
On installe la nichée près du feu, dans un chandail. La chaleur les calme un peu. Hanquet n'en revient pas, de voir leur grouillement maladroit, et toutes ces petites grilles qui pétrissent les ventres, en quête d'une tétine.
Ah voici le ravitaillement ! Le lait ! Une belle bouteille de lait chaud ! J'ai confectionné un biberon de guerre : une paille dans le bouchon d'une bouteille. Nous allons voir ça...
Quelle opération, bon Dieu ! Ces jeunes gredins ne prétendent pas mordre à ma paille : « Ce n'est pas ça »! ont-ils l'air de dire : ils bavent, recrachent le lait, qui dégouline sur leurs pattes, et jettent des cris de putois. Il faut leur tenir la bouche ouverte, leur introduire de force le liquide dans le goulot, maintenir la tête en l'air jusqu'à ce que cela ait passé. Cela dure une grosse demi-heure pour faire le tour ; et alors on recommence, en les numérotant pour ne pas se tromper. Heureusement qu'il fait calme sur le front !
Quelle nuit, mes frères ! Un assourdissant charivari de millott déchirants et d'appels de détresse.
Toutes les deux heures, il fallait procéder au laborieux allaitement, casser du bois pour entretenir le feu, intervenir chaque fois qu'un des mioches étouffait, écrasé par les autres. Puis la maladie se déclara dans la famille : une répugnante diarrhée qui transforma bientôt le tout en un hideux cloaque verdâtre.
Au matin, il y avait deux cadavres.
— Je crois que je n'ai pas la bonne manière, dis-je à Hanquet : il faudrait un livre.
Les jours suivants les décès se succédèrent : mea enfants dépérissaient à vue d'oeil, n'ayant même plus la force de miauler ; chaque jour, l'un ou l'autre était expédié dans l'eau, devant l'abri.
Un seul tenait bon : un joli petit blanc tacheté de gris. Celui-là avait ouvert un œil dès le premier jour : un petit oeil rigolo au milieu d'une grosse tache grise, un œil qui vous regardait, plein d'un sourire intérieur, et qui disait : « Ça va ! » Il laissait crier les autres, l'air de dire : Vous en faites pas ! », observait l'arrivée du biberon, et dès qu'il approchait ouvrait de lui-même la bouche, avalant goulûment le liquide précieux ; puis pour ne rien perdre, il tirait un amour de petite langue veloutée qui pour léchait longtemps jusqu'au moindre poil, avec un clibaernent de son œil ouvert, affirmait : Bon, ça ! »
— Gui-là, c'est un malin ! disait Hanquet.
Je te crois, c'était Pitoutchi !
Au bout d'une semaine, Pitoutchi restait seul survivant de ma nombreuse famille. Ce jour-là, son second oeil s'ouvrit — dans du blanc, cette fois — et rien n'était si comique que ces deux yeux dépareillés, étonnés de se trouver ensemble, et qui avaient toujours l'air de se chamailler, l'un disant oui et l'autre non, affaire de plaisanter.
Et voilà ! A force de boire du lait, et de ne pas s'en faire, et de partager mon lit, blotti avec moi sous la couverture, i'itoutchi a vécu, a grandi, est devenu un vrai chat — du moins selon Papparezee. Quand je dis qu'il a grandi, c'est d'ailleurs tout relatif : il est resté malingre, sa taille, du museau à la queue, n'a jamais dépassé vingt-six centimètres. Mais je veux dire qu'il a grandi en âge, et surtout en sagesse.
Car Pitoutchi est un sage, malgré son air luron. Il a sur les hommes et les choses des idées nettes qu'il a groupées en un système logique. Dans une des longues conversations que nous avons parfois ensemble, il m'a fait part de sa philosophie. Voici :
Le monde est composé de deux parties. Il y a d'abord l'abri, où il fait toujours bon, où il y a beaucoup de choses agréables et presque pas d'eau, Séjour bienheureux où se tient le Maître ; et à côté le poste, qui sert à se reposer quand il n'y a rien à faire, en regardant au loin dans l'univers. Et puis il y a tout le reste, le grand cosmos peu sûr, où il y a de l'eau en masse, et de la boue, et des êtres ennemis, qui tirent les chats par la queue et les font cuire dans leurs gamelles.
Tout cela, le monde bon surtout, ne s'est pas fait tout seul. Ce n'est pas lui, Pitoutchi non plus, qui a fait ce bon abri : il est bien trop petit pour cela. Donc c'est le Maître : il l'a vu d'ailleurs dernièrement construire sur l'abri un nouveau ciel de ses bras puissants.
Il n'y a qu'un seul Maître, qui est le centre du monde : c'est un être fort et bon, qui a le pouvoir d'ouvrir et de fermer la porte, de faire le chaud en évoquant le feu, par une influence surnaturelle, de faire apparaître la nourriture quand il lui plaît, et qui commande aux éléments. C'est lui qui donne à Pitoutchi les choses bonnes à manger, qui le tient chaud la nuit, qui a la bonne façon de le caresser sous le menton et le long du dos, quand cela gratte : c'est d'ailleurs pour cela que le Maître a aux doigts de beaux grands ongles tout noirs.
Quand le Maître dit : Pitoutchi-!.., c'est que Pitoutchi marche dans le droit chemin. Quand il dit : Petoutch ! cela signifie qu'il a commis quelque faute. L'expérience lui a appris cela. Et cela lui permet de faire, d'une façon certaine, la distinction entre le bien et le mal.
Il y a bien d'autres hommes, il est vrai, qui ont extérieurement quelque analogie avec le Maître : il y a d'abord Hanquet, qui jouit du privilège de partager sa demeure ; mais il est moins puissant et il n'agit que par la volonté du Maître : c'est l'archange qui prépare le feu, les aliments, le lit, et exécute les ordres du tout-puissant.
Et puis il y a les autres, ceux qui se tiennent dans le monde extérieur. Mais ceux-là, ce sont les méchants, dont il faut se garder comme du basilic, et qui ne deviennent bons que quand le Maître leur permet de caresser Pitoutchi.
Et voilà ! N'est-ce pas clair?
Un jour pourtant, la synthèse cosmique de Pitout­chi a paru se trouver en défaut.
Le Maître avait quitté son séjour pour aller parcourir le grand univers. Pitoutchi, très inquiet, l'avait suivi sans rien dire, en trottinant, tout le long de la passerelle, sur ses pantoufles de velours. Alors on était arrivé à Peau ; et Pitoutchi, qui ne sait pas nager, s'était mis à miauler avec un accent de si profond désespoir, que le Maître l'avait pris avec lui, sur son épaule.
Et on avait traversé des pays immenses, sans eau, plantés de hautes herbes, où Pitoutchi disparaissait tout entier, jouant à cache-cache, gambadant comme un fou. Quel plaisir il avait eu là !
Et puis on était entré dans une vaste demeure où il y avait beaucoup d'hommes bons, comme le Maître, qui lui avaient donné tellement à manger que son petit ventre était devenu comme une grosse boule toute dure.
Donc il y avait d'autres endroits heureux que le séjour du Maître? Cela le chipotait, Pitoutchi : depuis ce jour, le doute était entré dans son âme, et il me regardait souvent avec un air inquiet, tantôt d'un œil, tantôt de l'autre, pour montrer que son âme était partagée.
Et un tour, torturé de questions, travaillé de désirs, il était sorti, seul, dans les ténèbres extérieures, pour éclaircir le mystère. Le pauvre ! A minuit, il était revenu, poussant des miaoiù ! de détresse, trempé, crotté, puant, les poils collés, la queue comme un bâton... On lui avait jeté des pierres ; un gros chien, aux crocs terribles, l'avait poursuivi, et il n'avait trouvé son salut que sous une passerelle, dans l'eau.
Puis, en passant devant un abri, il avait vu des hommes noirs tourner dans une gamelle d'où sortait — c'est très certain — une odeur de chat cuit. Quelle terreur il avait eue ! Alors il avait pris la fuite, éperdument, ne songeant plus qu'à rentrer. Et voilà ! Il s'était égaré, et avait mis des heures à retrouver son chemin, à cause de toutes ces odeurs de chiens et de soldats, et avait failli se noyer, dans sa hâte de retrouver le bon logis chaud — chez le Maître.
Jusqu'au matin il avait pensé, profondément, en séchant sa fourrure. Et enfin, ayant maintenant la pleine expérience de la vie, il était arrivé à cette conclusion : « Là est le bon où est le Maitre. Une chose importe donc avant tout : rester dans l'amitié du Maître, garder le trésor de sa société ; le reste vient alors par surcroît.
Cela bien établi, Pitoutchi s'était remis à ronronner avec un entrain qui témoignait de la paix de son coeur.
Et depuis lors, âme exempte de troubles, il coule une vie heureuse, sûr de lui-même et des événements.
AH Monsieur Bergson, que toute votre philosophie est donc pauvre devant la sereine sagesse de Pitoutchi!
Pitoutchi sait qu'il me doit l'être et la vie, et toutes les grâces qui y sont rattachées : le calme sourire de son regard doré me dit qu'il comprend cela.
Je suis sa mère. Mieux que cela : je suis son domicile. Sa chambre à coucher, c'est mon cou : il ne sait pas dormir ailleurs : dès que je suis couché, il s'enroule sur ma gorge comme un chaud boa, qui m'endort de son confortable ronron. Nous partageons nos puces, nous partageons nos rêves, en nous soufflant mutuellement dans le nez. Parfois je me réveille la moustache toute gluante, tellement il l'a léchée de sa langue râpeuse.
Le jour, il se tient sur mon épaule : la droite, qui, parait-il, est un peu plus haute que l'autre. Quand vient l'heure du dîner, c'est là son poste d'observation. Il suit du regard le voyage de chaque morceau, de l'assiette à ma bouche : « Pas pour moi, celui-ci? » demande-t-il. Alors je lui choisis le meilleur : « Pitoutchi ! »... et en un tour de patte il est escamoté. Quand cela tarde trop, il me donne une tape sur la joue ou mord dans ma moustache avec un reproche : « Eh bien ! goulu, je suis là, tu sais.
Les souris ne l'intéressent guère. Il y en a tant, d'ailleurs : ce sont des petites bêtes pour s'amuser. Les prendre, c'est mon affaire : il ne les mange que quand je les lui donne. N'avais-je pas dit que Pitoutchi n'est pas un chat? Parfois il joue au loup avec une des victimes : alors il gronde d'une voix terrible, sort ses griffes et ses crocs, prend des attitudes féroces, et dévore la bestiole en faisant craquer les os ; puis il me regarde en léchant ses babines toutes rouges, avec un air de dire : « Tu vois que je sais aussi être méchant, quand je veux !
Il me suit comme un petit chien. Je ne puis faire deux pas qu'il ne soit à mes trousses. Il m'accompagne dans toutes mes expéditions. Quand je mets mes grands bottes, il sali qu'on ira dans l'eau, et qu'il s'agit de monter sur mon épaule. Quand je l'oublie, il pousse des cris si déchirants que je suis obligé de revenir.
Tandis que j'observe, il fait sa gymnastique dans les combles et cabriole autour de moi. Parfois il vient se planter juste devant mes jumelles, essayant de me voir par l'autre « Petoutch ! — Il tourne le dos, exhibe l'espèce de pain à cacheter qu'il a sous la queue... Vilain ! Je souffle dedans. Alors, froissé, il saute sur moi, me donne une petite gifle et boude sur mon épaule en m'observant du coin de la fente verte de son oeil.
Nous avons là de longs entretiens quand je prie ïl fait aussi son oraison : rosaires de ronronnements sans cesse recommencés.
Pitoutchi vient à la Messe avec moi, mais cela n'a pas été facile de lui apprendre à y être sérieux. Que voulez-vous? Il n'a pas été au catéchisme, Pitoutchi... Après la guerre on verra. Alors, tous ces gestes, et ce servant immobile, et cette sonnette, tout cela l'intrigue. Et puis il y a surtout cette aube à dentelle qui l'excite, avec tous ces petits frétillements qu'elle se donne à chaque mouvement de l'aumônier, comme pour jouer... Cela, c'est une irrésistible tentation : alors Pitoutchi se précipite, comme une balle en caoutchouc, dans la dentelle, se bat avec les fleurs, grimpe dans les plis mobiles. Un jour, en pleine Messe, il est monté, d'un trait, jusque dans le dos de l'aumônier, sous la chasuble, et là, les griffes prises dans le cordon, il s'est mis à gigoter comme une carpe, et ç'a été toute une scène que de l'extraire de ce filet. C'est le bon Dieu qui a dû rire à cette Messe ! Heureusement qu'Il est bon et qu'Il connaît Pitoutchi. Ne doit-il pas nous pardonner bien plus, à nous, connaissant notre coeur?
Au reste, moi aussi je lui pardonne tout, à mon Pitoutchi ; je dois lui pardonner : il m'a sauvé la vie ! Oui, sauvé la vie, sur le champ de bataille, par une action d'éclat... Vous ne me croyez pas? Écoutez :
Il y a quelque temps de cela. J'étais fort intrigué, depuis trois jours, par une levée de terre qu'ils construisaient, en face, dans le Bosquet de la ferme !. Je décidai d'aller voir cela de près.
La nuit, après la Messe, je mis mes bottes ; ce que voyant, Pitoutchi monta aussitôt sur mon épaule : et nous voilà partis. J'avançai sans encombre jusqu'aux fils de fer boches ; sous le réseau, un grand trou d'obus offrait un abri sûr ; je m'y tapis en attendant le jour, et Pitoutchi près de moi.
Le matin, je regarde : c'est une tranchée qu'ils élèvent, d'équerre avec d'autres tranchées cachées dans les buissons. Oh ! oh ! ceci est intéressant. Je me mets en devoir d'en prendre un croquis : trente mètres seulement me séparent de l'ouvrage.
J'entends des voix. Soudain des têtes surgissent, des bras, qui font des gestes de mon côté : « Da! In den Eisendrâhten. , — « Là ! dans les fils de fer ! » — Vite, je rentre la tête... Ils m'ont vu! Je coule un regard entre les herbes. Horreur ! Trois Allemands s'avancent en rampant, baïonnette au canon ! Je n'ai pas d'armes... Que faire? Si j'attends, mon sort est clair ; si j'essaie de fuir, je serai abattu aussitôt. Et puis, il y a ces fils de fer... « Er ist diesem Loche. » — « Il est dans ce trou ! » dit une voix rude. Je me sens perdu, je murmure : « Jésus »!.. Pitoutchi dresse l'oreille : il croit que c'est le signal pour jouer. Il saute du trou, fait trois cabrioles, puis grimpe, de tous ses nerfs, le long d'un piquet. Clac! une balle m'assourdit. Pitoutchi, terrifié, dégringole sur moi, en faisant Tch !... Tch !... les yeux ronds d'épouvante, hérissé comme une châtaigne. Et en même temps j'entends du côté des Boches un large éclat de rire : « Es ist eine Katze! » — « C'est un chat ! » fait une voix gutturale. « Grosse bête  ! poursuit le Boche, secoué d'un hoquet, prendre un chat pour un homme !...
La patrouille rentre, poursuivie déjà par les balles qui partent de nos postes. Sauvé!
Voua voyez d'ici le festin que l'on fit à Pitoutchi ce soir-là!
Le lendemain, je le proposai pour une décoration, avec la citation suivante : « Pitoutchi, 3e régiment d'artillerie, poilu d'une grande bravoure au feu, d'une rare endurance et d'un remarquable esprit d'àpropos. A fait preuve, au cours de la campagne, des plus belles qualités militaires. Voyant son capitaine en danger, n'a pas hésité à s'exposer à sa place, attirant courageusement sur sa personne le feu ennemi, et a déjoué la manoeuvre de l'adversaire en lui faisant prendre le susdit officier pour un chat. Au front depuis sa naissance. »
La proposition est demeurée sans suite : la jalousie des états-majors ! Je voudrais bien voir, moi, l'officier d'état-major qui a mérité autant que Pitoutchi n'importe laquelle de ses décorations
Les amours d'ici-bas ne durent qu'un printemps — hélas ! — et le nôtre eut son terme. Le jour où nous avons quitté tout de bon notre ermitage, Pitoutchi nous a suivis jusqu'à La Panne : et on l'a installé, Gomme un chat civilisé, dans le confort et l'abondance. Cela a été très bien pendant deux jours : il trouvait cela très amusant, de dormir dans un lit, de ronronner à une fenêtre et de se promener avec moi sur la plage, de plus en plus confirmé dans la vérité de son principe « Là est le bon où est le Maître. »
Mais voilà que le deuxième jour le colonel commanda une revue pour le lendemain. Je devais défiler, comme adjoint du major. Impossible de prendre Pitoutchi : je le confiai à Hanquet, qui fut de ce fait exempté d'inspection.
Hélas ! Après la revue, il vint me trouver en pleurant :
— Il est parti, mon capitaine, sens doute pour vous chercher... Je n'ai pas pu le retrouver.
On fit des recherches toute la journée. Peine perdue. Mais le soir, comme je demandais aux hommes des nouvelles de la bouffe, un gros Flamand dit, en montrant toutes ses dents : On a mangé quelque chose de bon, mon capitaine : du lapin... Du lapin qui fait miaoû ! » ajouta-t-il avec un gros sourire.
Mon Dieu! c'était peut-être Pitoutchi!...
Pauvre Pitoutchi!

Martial Lekeux

L'ARRIVÉE DE LULU AMOUR

Hugtto Pretty Cure - My Own Review
Episode 12
L'ARRIVÉE DE LULU AMOUR



Homare’s reaction when Hugtan (who is already toothing) calls her mama.


In the previous episode, Charalit was defeated by the Pretty Cures.
Post-defeat, he has become a YouTuber:

I am also incredibly relieved that Charalit was not turned into a tree, it was just part of the visuals. (Actually apparently he is still part of Cryasse Corporation since he has yet to be terminated, which is a surprising to say the least.)



   Fortunately, Harry happens to have a popcorn machine. With their popcorn ready, they all sit down to watch a film called The Dread Visitor – Hana insisted on watching a horror movie. There are some pretty interesting reactions to the horror film.
Turns out Homare can’t cope with horror films.
Since the horror film is a bit much, they decide to put something else on instead. However, they only have the Dread Visitor series with then.
Everyone ends up going outside.
 
 





 As it turns out, the world Harry and Hugtan are from is actually from the girls’ distant future. This is why he didn’t want to share much because he was afraid if he changed the past too much, there would be consequences in the future. He says the future they are from is quite some time away, which is why he was comfortable with opening up to them. And it was truly such a tragic thing to hear how the Cryasse Corporation destroyed their world, forcing Harry to look for a way to protect Hugtan and travel back into time, barely escaping with their lives. He didn’t expect to have traveled so far into the past though, which is quite interesting given the current “form” of the said evil corporation. 
Initially Harry believed the bigger the team, the better, thinking they would have a higher rate beating the enemy. But the girls’ inner strength showed him one strength isn’t about numbers, but character, individuality, differences, when those strengths combined, an unbelievable power is born, producing a beautiful melody. And having met the girls, he has a lot more hope they will be able to open the way to a bright new future, and he thanks them for it. One of the things cherishes the most, were the peaceful memories of the world he loves so much. (Wow I just realized this is going to mess us all up at the end of the series, since Harry and Hugtan are bound to return to the future. Crap, I can already see myself bawling about it. I am not emotionally prepared for this.)


Outside, Harry reveals to the girls that he and Hugtan came from a world in the future. He came into the past in order to flee from the Cryasse Corporation, and he is confident that PreCured can prevent that bad future from coming to pass.
He thought they would need four members of a PreCure team, but he has been proven wrong. The girls may play different music, but it makes a beautiful melody when they play together.
Hana and Saaya’s reactions to Harry’s words are very amusing. However, their conversation gets cut short.

Also, Harry told his backstory... and the Future hypothesis is confirmed and canonised!!
Of course the important part Harry revealed more of his and Hug-tan's backstory to the girls and they came from the future
(as for the origins of Cryasse, we'll have to wait till winter, as usual).

 
Throughout the episode, Papple was struggling to gather toge-power. She eventually gathered enough... yadda yadda yadda (the victim du jour was a  )... transformation... This time, however, they have new techniques to go along with the power-up they received in the previous episode.

 Cure Ange’s Feather Blast


Cure Étoile’s Star Slash

I am especially thrilled to see after last week’s episode, we are finally starting to see the cadres be more proactive. Papple shows yet again she is not someone to underestimated, especially when she’s pissed off. She packed the girls a bit of a punch today, but was unable to successfully take them down, especially with their new power upgrade.

Now, I am scared.

The theender soon falls to the PreCures' finishing attack, and Papple retreats. When the girls go back inside, they all struggle to get to sleep. 
 


Finally, we end the episode with a surprise.

Throughout the episode, we saw Lulu gradually deciding that she wanted to learn more about PreCures. Her plan for doing this is staying at the Nono residence – she seemingly played around with the memories of Hana’s mum.


 Lulu infiltrated the Nono household, brainwashing Mrs. Nono, creating a cover story that her parents were friends of the family that had left her at the Nonos' while they travelled overseas.

 The light from her right index fingertip brainwashed Mrs. Nono through intense catatonic pain.


Lulu on the other-hand, is the one who really kicked things up the notch. She is no longer sitting int he office, she took it upon herself to investigate further, and positioned herself by attacking Hana’s mother, and placing a spell of a sort on her to enable her to be a guest living in their household for a bit. It was quite a stark turn, which was quite fitting to say the least considering the girls were previously watching horror movies, but now the real horror has just begun. Lulu will not only be living in Hana’s house to constantly observe her, but she will also be transferring to their school. She is in for a surprise with the way Hana is certainly going to welcome her with open arms, but will that be enough to start thinking about switching sides? It’s a bit early for that, so I suspect if anything, Lulu may only be living at Hana’s place for one episode. It will be very intersting if she stays any longer than that though. Nothing is scarier than having the enemy live in your own house, especially since it’s a place where Hana feels the most comfortable to be vulnerable, in front of her mother no less. Lulu can mess her up big time by having her mother turn her back on her, which would be pretty damn dark for a precure series.




The very next day (or actually, the episode within a week), comes the quintessential introduction of the new schoolgirl:

It's Lulu Amour, actually. Just a little orthographical error, considering Asian phonetics.


Overall, it felt like a setup episode with only Harry's backstory and Lulu to infiltrate Hana's home to learn more about the Precures which are vital to the main plot.






MY OWN HUMBLE OPINION:
Ah, brainwashing.



The brainwashing in Avatar: The Last Airbender did not differ a lot from hypnotism in A Series of Unfortunate Events, or the Ludovico method in A Clockwork Orange (which inspired both methods): the victim lapses into the trance on cue ("Lake Laogai", "inordinate", and Beethoven's Ninth / An die Freude; respectively), the cue having been given to the victim under physical and/or psychological torture.
The Ludovico technique is a form of aversion therapy, in which Alex is injected with nausea-inducing drugs while watching graphically violent films, eventually conditioning him to become severely ill at the mere thought of violence. As an unintended consequence, the soundtrack to one of the films, An die Freude (Beethoven's Ninth, also the anthem to the European Union) renders Alex unable to enjoy his beloved classical music as before.
The effectiveness of the technique is demonstrated to a group of VIPs, who watch as Alex collapses before a bully and abases himself before a scantily clad young woman whose presence has aroused his predatory sexual inclinations. Although the prison chaplain accuses the state of stripping Alex of free will, the government officials on the scene are pleased with the results and Alex is released from prison.

 As you can see on the Joo Dees above and Jet below, the main sign of brainwashing (in the Avatarverse) is the presence of Mind-Control Eyes, which here are not only the usual Empty Eyes, but also feature Open the Iris.
In Avatar: The Last Airbender, the victims of A Clockwork Orange-reminiscent brainwashing have their pupils dilate, nearly enveloping the iris.



In the Avatarverse, the technique of brainwashing allowed the Dai Li (the Praetorian Guard/Gestapo of the Earth Kingdom) to change attitudes, alter beliefs, augment personalities, and erase an individual's memories. The main reason for the use of brainwashing methods was to maintain cultural order and to prevent anyone from mentioning the Hundred Year War.

Process

The Dai Li often brought victims to their secret headquarters beneath the surface of Lake Laogai where they would proceed to brainwash them. During the process of brainwashing, agents would repeatedly recite anything they wished for the victims to believe. When the Dai Li were brainwashing Jet, they used a dim lantern which revolved on a rail slowly around the agent brainwashing him while stone cuffs prevented him from moving his arms, legs, and head. The agent repeated phrases to assure Jet he was safe, and that there was no war within the walls. In the case of brainwashing the young women, the women would simultaneously repeat the words of a single agent. The process could also give the subject a secondary task, to be accomplished after saying the trigger-phrase "The Earth King has invited you to Lake Laogai." Long Feng used this code phrase on both Jet and the Joo Dees.

Effect


When brainwashed, people are tricked into believing anything the brainwasher states. The victim forgets any information the brainwasher wishes to erase from their mind. Long Feng (supreme commander of the Dai Li) could also activate the subject's secondary task with the code phrase. When this was done, the subject entered a trance state and answered the code with "I am honoured to accept his invitation."

Cures

There are only two known methods of curing brainwashing.

Healing

The waterbending technique of healing has been known to be capable of bringing a subject out of their hypnotic state.

Familiar surroundings

Oftentimes, familiar surroundings are able to slowly regenerate the memory of a brainwashed victim or even completely reverse the effects of brainwashing. The same can be said for spoken reminders.

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To return to Lulu and Mrs. Nono...

Those The Matrix-esque number cascades (anyone else up for the Lulu Fembot theory?), actually called Matrix Raining Code, added an extra vibe to the fact that brainwashing in this universe is painful.

The dark stranger's book of the maiden fighting darkness:

And now this is where things get real interesting, because Harry knew about the Melody Sword, but never expected it to have changed forms. It sounds to me, the story which the mysterious book the ‘handsome-no-name’ carries seems to be an oracle that shares the tale of the future, and that very story will change based on the course of actions the girls take, starting with the Melody Rod itself.



Next time, their school gets a new transfer student.

LIEUTENANT HENRI DELCOURT

Le 26 octobre dernier, comme beaucoup d'entre vous, j'assistais à la projection du long métrage de Steven Spielberg, Tintin et le Secret de la Licorne. Les lunettes 3D doublant mes bésicles, je jouissais du spectacle lorsque soudain, à la vue du lieutenant Delcourt (1895-1958) accueillant nos héros au fort d'Afghar, mon sang ne fit qu'un tour. Je bondis de mon siège tel un grain de maïs soufflé: ça ? Delcourt ?! ... Quelle mouche a donc piqué les animateurs yankees ? Pour quelle obscure raison ont-ils choisi de représenter le fier officier sous l'épaisse silhouette d'un lutteur de foire, sous les traits d'un orang-outan mal dégrossi ? Moi qui ai eu la chance de rencontrer le méhariste, je ne pouvais laisser passer une telle ignominie. De retour dans ma thébaïde, je me jetai sur ma plume pour écrire d'un trait la notice biographique que je vous livre aujourd'hui. 

De père inconnu, Henri Delcourt naît à Wambrechies, dans le département du Nord, le 10 novembre 1895. Mélanie, sa mère, est femme de chambre chez de riches négociants en genièvre. Catholique fervente, pétrie de culpabilité et confite en dévotion, elle court chaque jour à l'église chanter matines: elle ne manque pas d'y entraîner son fils qui s'abîme dans la contemplation des pieuses gravures du missel. L'enfance d'Henri est à l'image des heures grises passées sous le lourd crucifix du temple: solitaire et silencieuse. Sur la table de l'office de la grande maison bourgeoise, il dévore les livres de Jules Verne, de Fenimore Cooper et de Stevenson prêtés par le maître des lieux. 

La fréquentation de l'école communale est une obligation à laquelle il se plie sans révolte: il s'y ennuie beaucoup et passe les récréations dans son Lavisse, rêvant de conquêtes et de terres sauvages. Il quitte l'école à quatorze ans, sans regrets, pour devenir ouvrier à l'imprimerie Léonard Danel, à Lille. Le jeune Delcourt aime l'odeur de l'encre, le vrombissement des presses et le staccato des linotypes. La nuit, il lui arrive souvent, avec la complicité du contremaître, de dormir dans l'immense réserve de papier, vaste étendue de ballots pâles où il pressent violemment les déserts à venir.


Le 1er août 1914, jour de la Mobilisation générale, il devance l'appel de sa classe et intègre le 43ème régiment d'infanterie caserné à Lille. Le 5 août, les trois bataillons du régiment embarquent en gare de La Madeleine direction Aubenton, dans l'Aisne. Henri fait son baptême du feu pendant la bataille des frontières puis prend part aux plus terribles combats de la Grande Guerre: la Marne, Verdun, la Somme, le Chemin des Dames, les Flandres. Au front, son courage lui vaut de multiples citations et la Médaille militaire, qu'il reçoit le 5 mars 1916. Six mois plus tard, le 3 septembre, à Maurepas, l'adjudant Delcourt est blessé par des tirs de mitrailleuse après avoir ramené dans ses lignes le lieutenant Jacques Legrand laissé pour mort dans le no man's land. 
Après une courte convalescence, Henri rejoint le théâtre des opérations avec le grade de sous-lieutenant. 1917 et 1918 défilent sous ses yeux comme une longue série de rêves atroces : il s'abandonne à l'héroïsme sourd des tranchées et noie sa conscience dans le mauvais vin. Une fois l'armistice proclamé, transformé par l'expérience du combat au point de se croire inapte à la vie civile, Henri Delcourt choisit de rester dans l'armée. Avec le 43ème, il est caserné à Mayence pour y assurer la garde du Rhin: il s'y ennuie ferme. En mai 1919, il gagne Sorgues, dans le Vaucluse, où le 412ème régiment d'infanterie prépare son départ pour le Levant. L'empire ottoman est alors en pleine décomposition. Après avoir traversé la Méditerranée, Delcourt participe à la campagne de Cilicie contre les Turcs de Mustapha Kemal puis a l'occupation de la Syrie contre les forces de Fayçal, souverain de l'éphémère royaume arabe indépendant.


En juillet 1920, après la bataille victorieuse de Maysaloun, il est chargé avec une poignée d'hommes de gagner le Khemed pour renforcer la garde du jeune émir Ben Kalish Ezab. Près de Wadesdah, il tombe dans une embuscade tendue par les hommes de Bab El Ehr. Il restera deux ans prisonnier du scheik. L'otage fait alors l'apprentissage du désert: tandis que ses ravisseurs lui enseignent l'arabe, il tombe sous le charme des vastes étendues sableuses et des longues courses à dos de méhari. 


En août 1922, le gouvernement français ayant enfin décidé de verser la rançon réclamée, Delcourt est libéré. Il est cité à l'ordre de l'armée du Levant, gagne ses galons de lieutenant puis obtient une affectation au 8ème régiment de Spahis algériens qui opère dans l'Est marocain. En avril 1925, Abdelkrim, qui a proclamé trois ans plus tôt la République confédérée des Tribus du Rif, lance une puissante offensive contre les troupes françaises. Malgré les renforts espagnols, la France peine à stopper l'avance des Rifains. Henri Delcourtprend part aux combats: sa conduite valeureuse dans le massif de Bibane lui vaut une nouvelle citation. En avril 1926, il participe aux opérations de réduction de la poche de Taza. Le 27 mai, Abdelkrim se rend. 
La guerre du Rif est officiellement terminée mais les combats d'arrière-garde se poursuivent. A Taza, en octobre 1926, le lieutenant Delcourt rencontre un jeune officier passé par Saint-Cyr et l'école de cavalerie de Saumur: Philippe de Hautecloque. L'aristocrate picard et l'ouvrier nordiste, d'un même naturel taiseux, sympathisent rapidement. Ensemble, ils effectuent des reconnaissances risquées sur les bords de la Moulouya et dans les plaines de Kebdana. C'est au cours d'une de ces missions qu'un drame survient: se croyant la cible de tirs ennemis, la patrouille qu'Henri commande fait feu sur un groupe de villageois inoffensifs, tuant sept femmes et trois enfants. Delcourt, choqué, comprend soudain la cruauté et les limites de la «pacification ».


L'intolérable massacre pousse Henri à faire un choix déterminant pour la suite de carrière: en mars 1927, il intègre la compagnie méhariste de la Saoura. Il est affecté au poste d' Afghar dans les confins algéro-marocains, à plus de cinq cents kilomètres au sud de Béni Abbès. Sa mission principale consiste à assurer le contrôle des tribus Reguibat et Beraber qui se déplacent dans tout le Sahara du sud-ouest en quête de caravanes à razzier. 
Le poste d' Afghar est typique des forts occupés par l'armée française dans le Sahara. Non loin d'une palmeraie, derrière de hautes murailles de pierres sèches, autour de l'indispensable puits, se resserrent le bordj réservé aux militaires et le village indigène. Quatre sous-officiers nés en métropole partagent le quotidien de Delcourt : le taciturne sous-lieutenant Penmarch, les inséparables adjudants Audoin et Rouzeau, et le jeune sergent Hanotte qui fait fonction de sans-filiste. L'ordonnance du lieutenant, Achmed, était, comme tous les méharistes de la compagnie, un homme des Chaamba, mince et sec, au teint jaune, qui portait le chèche et la barbe frisée de sa tribu.


La monotonie du casernement s'interrompt lorsqu'un rezzou est signalé. Un rezzou ? Une entreprise de pirates, commanditée par les notables du Tafilelt, une expédition qui part des confins du Maroc, et qui essaie de traverser le Sahara pour aller piller le Soudan. Alors c'est l'effervescence dans le bordj : tandis que les femmes préparent les rations de dattes et de riz, les hommes fourbissent leur mousqueton, enfilent leurs cartouchières et scellent les méhara. Ils partent pour des semaines - qui sait quand finira le raid ? craignant plus qu'une rafale ennemie une défaillance de leur guide: la mort, à tout coup, saisit les égarés. Quand ils tombent sur les pillards, les balles sifflent et nombreux sont les hommes qu'on enterre sous la dune. Mais jamais la colonne Delcourt, terreur des Berabers, ne connaîtra la défaite.

C'est en 1936, au cours d'une mission ethnographique à laquelle je participais en tant qu'archéologue débutant que je rencontrai le lieutenant pour la première fois. Il me fit forte impression. De haute taille, il était vêtu à la saharienne, de la petite blouse blanche, de la longue culotte noire flottante. Des «naïls», larges semelles de cuir d'antilope, protégeaient ses pieds nus contre la brûlure du sable. Il portait les cheveux rasés au couteau et une fine moustache soigneusement taillée. La large échancrure de sa blouse découvrait sa musculature sèche qui saillait sous la peau tannée par des années de campagne. 
C'est surtout de ses yeux dont je me souviens: sous le soleil de plomb, les turquoises de l'iris tournaient à des teintes fixes d'acier. S'il buvait le thé, Delcourt n'avait pas perdu le goût des alcools européens. Nous passâmes de longues soirées, sous le pankha manœuvré par un négrillon, à siroter de nombreux verres de genièvre tiède en causant littérature. Une seule fois, grisé sans doute, je l'entendis me réciter Les Illuminations de Rimbaud. Depuis, je me suis toujours représenté le négociant du Harar sous les traits de mon lieutenant des sables.



Deux années plus tard, la route de Tintin et du capitaine Haddock croise le sillage du lieutenant Delcourt. Contée par Hergé dans Le Crabe aux pinces d'or, cette rencontre a gravé le nom de l'officier dans la mémoire collective plus sûrement que ses faits d'armes. Perdus dans le désert, à la merci du soleil et de la soif, nos héros sont recueillis par deux méharistes qui les transportent à Afghar. Là, ils ont l'occasion d'apprécier l'hospitalité du lieutenant qui veille à leur complet rétablissement. Archibald et Tintin ont à peine quitté le bordj que des pillards Berabers sont signalés sur leur chemin. 
L'accrochage a lieu près du puits de Kefheïr, sur la route de Timmin. Averti par radiogramme, Delcourt n 'hésite pas une seconde : il se lance avec ses hommes à la rescousse des malheureux. A la seule vue des méhara, les razzieurs détalent comme des fennecs. Pour plus de sécurité, le lieutenant décide d'escorter Tintin et son compagnon jusqu'à Tindouf d'où ils gagneront Agadir puis Bagghar, le grand port sur la côte marocaine. Lorsque la guerre éclate, Delcourt reçoit l'ordre, inepte selon lui, de se maintenir au poste d'Afghar, à mille lieues d'être menacé par les forces de l'Axe. Le lieutenant ronge d'autant plus son frein qu'il ne peut se faire à l'idée de voir la France gouvernée par le maréchal Pétain qu'il hait depuis le Rif - et sa clique.



A la radio, par un heureux hasard, il apprend qu'un certain colonel Leclerc a traversé le Tchad à la tête d'une colonne armée qui combat désormais en Libye dans l'espoir d'effectuer une jonction avec les Britanniques de Montgomery. Le 21 décembre 1942, avec Achmed, Hanotte et Penmarch, Henri franchit le Rubicond et quitte le bordj en direction du nord-est. A peine plus de soixante jours sont nécessaires aux méharistes pour traverser le Sahara, de l'Erg Iguidi au grand Erg oriental. Le 23 février 1943, ils rejoignent la «Force L» à Ksar Ghilane, l'oasis la plus méridionale de Tunisie. Quand il se présente au quartier général, Henri manque de défaillir de surprise en réalisant que Leclerc n'est autre que son vieil ami Philippe de Hautecloque. 
Mais les deux hommes n'ont guère le temps de célébrer leurs retrouvailles : les panzers allemands, appuyés par les redoutables stukas de la Luftwaffe, menacent l'oasis. Les combats se poursuivent jusqu'au 10 mars et s'achèvent par la victoire des Français libres. Deux mois plus tard, avec les Alliés, ces derniers libèrent Tunis. Entre temps, Henri a été nommé capitaine et a définitivement abandonné son méhari au profit d'une jeep Willys baptisée «Afghar» qu'il tient à conduire lui-même, emportant sur les pistes les trois vétérans du bordj.



Le 24 août 1943, l'ancienne colonne Leclerc est officiellement baptisée 2ème DB et profite de quelques mois de répit pour étoffer ses rangs, incorporant des soldats de toutes armes, originaires d'Afrique ou de Métropole. Le 1er août 1944, la division à la croix de Lorraine débarque en Normandie. Intégrée à la 3ème Armée du général Patton, elle fonce sur Alençon qu'elle libère le 12 août. Le lendemain, à Argentan, les Allemands défendent leur position avec acharnement: les combats de rues font de nombreux morts dans chaque camp. Alors qu'ils tentent d'investir un entrepôt, Henri et ses hommes sont pris pour cible par des tireurs embusqués. Faisant rempart de son corps pour couvrir son chef, Penmarch est tué d'une balle dans la tête.


A peine le temps d'une prière qu'un nouvel ordre tombe: la 2ème DB doit fondre sur Paris! «Afghar» franchit la porte d'Italie le 25 août et le capitaine Delcourt assiste le jour même a la reddition du général Von Choltitz, gouverneur militaire de la capitale. Le lendemain, il ne boude pas son plaisir de descendre les Champs-Élysées avec Achmed et Hanotte, quelques pas derrière Leclerc et le général De Gaulle. Mais, une fois encore, le repos est de courte durée : il n'est que temps d'ouvrir la route de l'est ! Volant de victoire en victoire, la 2éme DB s'empare de Baccarat le 1er novembre et libère Strasbourg le 23. Le drapeau tricolore est hissé sur la cathédrale alsacienne: le serment de Koufra est tenu! 
Promu chef de bataillon, le commandant Delcourt parvient à Obernai puis reçoit l'ordre de remonter dare-dare vers le nord-ouest pour colmater les brèches d'un front que l'offensive Von Rundstedt fait craquer de tous côtés. Pendant quinze jours, au-delà du Col de Saverne, lui et ses hommes évoluent dans des paysages lunaires couverts de neige, avec des températures descendant à moins quinze degrés. Malgré le froid, ils tiennent et parviennent à contenir l'ultime contre-attaque de la Wehrmacht.



Le bataillon est ensuite appelé à rejoindre le sud de l'Alsace pour neutraliser les Allemands concentrés dans la poche de Colmar. Le 5 février 1945, en poussant une reconnaissance sous le feu roulant de l'artillerie allemande, Henri échappe une nouvelle fois à la mort: un obus éclate juste derrière sa jeep, transformant en charpie le pneu de la roue de secours. Quelques jours plus tard, le Rhin est franchi. 
D'un fleuve l'autre: après avoir traversé le Reich moribond, la 2éme DB atteint le Danube le 1er mai. Le 4, ultimes faits d'armes, ce sont Delcourt et ses hommes qui s'emparent du Kehlsteinhaus, le «nid d'aigle» d'Adolf Hitler à Berchtesgaden. Au soir de cette mémorable journée, à l'écart des tablées d'hommes fiers d'exhiber leurs trophées, le lieutenant-colonel Delcourt sable le champagne en compagnie de Lee Miller, la belle photographe américaine, envoyée spéciale de Vogue.



Avec l'armistice du 8 mai prend fin la furieuse épopée. La haute autorité américaine supprime le port d'arme aux combattants qui se retrouvent désœuvrés. Le 21 juin 1945, toute la 2éme DB est rassemblée en forêt de Fontainebleau, sur l'ancien hippodrome, pour assister aux adieux de Leclerc qui part pour l'Indochine. Le général demande à Henri de l'accompagner mais Delcourt refuse poliment: à cinquante ans, il estime avoir suffisamment mérité de la Patrie. 
Démobilisé, il choisit de rentrer à Lille où il apprend le décès récent de sa mère. Après plusieurs mois d'inactivité passés à reprendre goût à la vie civile, Henri ouvre, rue de la Monnaie, un petit atelier de reliure où il travaille seul. Il y retrouve avec émotion les odeurs d'encre et de papier de sa jeunesse auxquelles s'ajoutent celles des vieux cuirs, chagrins pourpres et maroquins qui lui rappellent les lourds parfums d'Afghar.


Un soir de février 1949, une cliente inconnue pousse la porte de l'atelier et confie aux bons soins d'Henri l'édition originale d'une saison en enfer. L'ancien méhariste tombe immédiatement sous le charme de cette femme blonde aux lèvres belles qui ne refuse pas le thé qu'il lui propose. Elle s'appelle Jeanne Dormeval, elle a trente-sept ans et vient de divorcer du cinéaste Jacques Clairmont. Henri l'épouse en juin. Sans enfants, le couple voyage beaucoup, essentiellement en Afrique et en Asie. En août 1958, Jeanne et Henri visitent le nord de l'Inde. Le 2, ils embarquent à Patna dans le D.C. 3 qui doit les mener à Katmandou, au Népal. L'avion, pris dans une violente tempête, est déporté vers l'Himalaya et s'écrase dans le massif du Gosainthan. Parmi les dix huit occupants de l'appareil, seul un jeune Chinois parvient à échapper à la mort. Malgré les recherches, les corps de Jeanne et d'Henri Delcourt ne seront jamais retrouvés. Ils gisent toujours, glacés, sous l'immense désert blanc du Tibet.