martes, 16 de junio de 2015

THE RETIREMENT AND DEATH(S) OF KAISER CHARLES V

During his retirement at Yuste, Charles V decided to stage his own death. Alexandre Dumas, in one of his historical novels, gives the following account of the Kaiser's last years:

Palancia n’était située qu’à dix-huit milles du monastère de St-Just, de l’ordre des Hyéronimites, que Charles Quint avait choisi pour sa retraite et où, dès l’année précédente, il avait envoyé un architecte chargé de lui bâtir six chambres de plain-pied dont quatre pareilles à des cellules de moines, et deux un peu plus hautes. L’artiste devait en outre dessiner un jardin sur le dessin que l’empereur en avait tracé lui-même. 
Ce jardin, c’était le côté charmant de la retraite impériale ; il était arrosé à ses deux flancs par une petite rivière d’eau limpide et murmurante, et tout planté d’orangers, de limoniers et de cèdres dont les branches venaient ombrager et parfumer les fenêtres de l’illustre solitaire. En 1542, Charles Quint avait visité ce monastère de Saint-Just et l’avait quitté disant : « Voilà un véritable lieu de retraite pour un autre Dioclétien.» 
L’empereur prit possession de son appartement au monastère de Saint-Just le 24 février 1557. C’était le jour anniversaire de sa naissance, et ce jour lui avait constamment été heureux. 
– Je veux, dit-il, en franchissant le seuil du couvent, renaître pour le ciel, ce même jour où je suis né pour la terre. Sur les douze chevaux qu’il avait gardés, il en renvoya onze ; le dernier lui servit à se promener quelquefois dans la délicieuse vallée de Serandilla, éloignée seulement d’un mille et qu’on appelle le paradis de l’Estramadure. 
À partir de ce moment, il conserva peu de communications avec le monde, ne recevant que de rares visites de ses anciens courtisans, et une ou deux fois par année, des lettres du roi Philippe, de l’empereur Ferdinand et des deux reines ses sœurs ; sa seule distraction étant les promenades que nous avons dites, les dîners qu’il donnait par hasard à quelques-uns des gentilshommes qui le venaient voir et qu’il retenait jusqu’au soir en disant : « Mes amis, restez avec moi pour faire la vie de religieux ». 
Cette vie dura un an ; mais, au bout d’une année, elle parut encore trop mondaine à l’auguste reclus, et le jour anniversaire de sa naissance, qui était aussi, on se rappelle, celui de l’entrée de l’empereur au couvent, l’archevêque de Tolède étant venu lui faire une visite de félicitation, il lui dit :
– Monsieur, j’ai vécu cinquante-sept ans pour le monde, un an pour mes plus intimes amis et serviteurs dans ce lieu désert, et maintenant je veux donner au Seigneur le peu de mois qui me restent à vivre. Et, en conséquence, tout en remerciant le prélat de sa visite, il le pria de ne plus se donner la peine de venir le voir que lorsqu’il le ferait appeler pour le salut de son âme. 
En effet, à partir du 25 février 1558, l’empereur vécut dans une austérité qui égalait presque celle des moines, mangeant avec eux, se donnant la discipline, allant exactement au chœur et ne se permettant d’autre distraction que celle de faire dire des messes pour cette innombrable quantité de soldats, de marins, d’officiers et de capitaines qui étaient morts à son service dans les différents combats qu’il avait livrés ou fait livrer dans les quatre parties du monde. 
Pour les généraux, les conseillers, les ministres et les ambassadeurs, des anniversaires de la mort desquels il tenait un registre parfaitement exact, il faisait dresser des autels particuliers et célébrer des messes nominatives, de sorte qu’on eût dit qu’après avoir mis autrefois sa gloire à régner sur les vivants, il mettait maintenant sa religion à régner sur les morts. 
Enfin, vers le commencement du mois de juillet de cette même année 1558, lassé d’assister aux funérailles des autres, et blasé sur cette funèbre distraction, Charles Quint résolut d’assister aux siennes. Cependant il lui fallut quelque temps pour s’habituer à cette idée quelque peu bizarre ; il craignait d’être taxé ou d’orgueil, ou de singularité en cédant à ce désir ; mais enfin l’envie en devint si irrésistible, qu’il s’en ouvrit à un moine du même monastère, nommé le père Jean Regola. 
Ce fut en tremblant, tant il craignait que le moine ne vît quelque inconvénient à l’exécution de ce projet, que Charles Quint en risqua la confidence ; mais le moine, tout au contraire, à la grande joie de l’empereur, lui répondit que, quoique ce fût là une action extraordinaire et sans exemple, il n’y voyait aucun mal, et qu’il la considérait même comme pieuse et exemplaire. Cependant, cette adhésion d’un simple moine ne parut point, dans une circonstance aussi grave, suffisante à l’empereur : le père Regola lui offrit alors de prendre l’avis de l’archevêque de Tolède. 
Charles Quint trouva le conseil bon, et nommant le moine ambassadeur près du prélat, il le fit partir à mulet avec une escorte pour aller chercher cette permission tant désirée. 
Jamais, aux jours de la puissance temporelle de Charles Quint, et si important que fût le message, jamais retour de messager ne fut attendu avec une pareille impatience. 
Enfin, au bout de quinze jours, le moine revint ; la réponse était favorable. L’archevêque de Tolède regardait le désir de l’empereur comme très saint et très chrétien. À partir de ce retour, qui fut une véritable fête, on ne s’occupa plus dans tout le couvent que de préparer la cérémonie funèbre et de la rendre digne du grand empereur qu’on allait enterrer vivant. 
La première chose que l’on entreprit fut la construction d’un magnifique mausolée au milieu de l’église ; le père Vargas, qui était ingénieur et sculpteur, en fit un dessin que l’empereur trouva à sa convenance, sauf quelques détails qu’il retoucha. 
Le dessin approuvé, l’on fit venir de Palancia des maîtres charpentiers et des peintres qui, pendant cinq semaines, occupèrent à la confection de ce mausolée vingt personnes par jour. Au bout de cinq semaines, grâce à l’activité que donnaient à chacun la présence et les encouragements de l’empereur, le monument fut achevé. Il avait quarante pieds de long, cinquante de haut et trente de large : il existait tout autour des galeries auxquelles on montait par divers escaliers ; on y voyait une suite de tableaux représentant les plus illustres empereurs de la maison d’Autriche et les principales batailles de Charles Quint lui-même, enfin tout en haut gisait la bière sans couvercle, ayant à sa gauche la Renommée, et à la droite l’Immortalité. 
Tout étant achevé, on fixa pour ces feintes funérailles le jour du 24 août au matin. 
Dès cinq heures, c’est-à-dire une heure et demie après le lever du soleil, quatre cents grosses bougies, teintes en noir, furent déposées et allumées sur le sarcophage, autour duquel se tenaient tous les domestiques de l’ex-empereur habillés de deuil, la tête nue et tenant une torche à la main. À sept heures, Charles Quint entra vêtu d’une longue robe de deuil, ayant à chacun de ses côtés, c’est-à-dire à sa droite et à sa gauche, un  moine vêtu de deuil comme lui. Il alla, portant aussi une torche à sa main, s’asseoir sur un siège préparé pour lui devant l’autel. Là, immobile, sa torche appuyée à terre, il écouta, vivant, tous ces chants faits pour les trépassés, depuis le Requiem jusqu’au Requiescat, tandis que six moines de différents ordres disaient six messes basses aux six autels latéraux de l’église. Puis, à un moment donné, se levant, il alla, toujours escorté de ces deux moines, s’incliner devant le maître-autel, et s’étant mis aux genoux du prieur : 
– Je te demande et supplie, ô arbitre et monarque de notre vie et de notre mort, dit-il, que de même que le prêtre prend de mes mains avec les siennes ce cierge que je lui offre en toute humilité, de même tu veuilles agréer mon âme que je recommande à la divine indulgence, et la recevoir, quand il te plaira, dans le sein de ta bonté et de ta miséricorde infinie. 
Alors le prieur mit le cierge dans un chandelier d’argent massif que le faux trépassé avait donné au couvent pour cette grande occasion. 
Après quoi Charles Quint se releva, et accompagné toujours de deux moines qui le suivaient comme son ombre, il alla se rasseoir sur son siège. 
La messe finie, l’empereur jugea qu’il lui restait quelque chose à faire et que l’on avait oublié le plus important de la cérémonie ; il fit donc lever une dalle du chœur et, au fond d’une fosse creusée à cet effet, il ordonna qu’on étendît une couverture de velours noir avec un oreiller aussi de velours pour former un chevet. Alors, aidé de deux moines, il descendit dans la fosse, se coucha roide, les mains jointes sur la poitrine et les yeux fermés, contrefaisant enfin le mort du mieux qu’il lui était possible. Aussitôt le prêtre officiant entonna le De profundis clamavi, et, tandis que tout le chœur continuait à le chanter, tous ces moines vêtus de noir, tous ces gentilshommes et tous ces serviteurs, en habit de deuil, le cierge à la main, versant des larmes, se mirent à défiler autour du défunt, le prêtre officiant en tête, et chacun à son tour lui jetant de l’eau bénite et souhaitant le repos de son âme. 
La cérémonie dura plus de deux heures, tant ceux qui jetaient l’eau bénite étaient nombreux : aussi l’empereur fut-il tout trempé à travers sa robe noire, ce qui, joint au vent que laissaient passer les fentes de la pierre, vent froid et funèbre, montant des caveaux mortuaires de l’abbaye, fit qu’il se releva tout grelottant quand, resté le dernier dans l’église avec ses deux moines, il voulut regagner sa cellule. Aussi, se sentant si engourdi et frissonnant : 
– Mes pères, dit l’empereur, je ne sais pas si en vérité il vaut la peine que je me relève. 
En effet, en entrant dans sa cellule, force fut à Charles Quint de se mettre au lit et, une fois au lit, il ne se releva plus ; de sorte que moins d’un mois après la cérémonie feinte, on célébrait la cérémonie réelle, et que tout ce que l’on avait préparé pour la fausse mort servit à la mort véritable. 
Ce fut le 21 septembre 1558 que l’empereur Charles Quint rendit son dernier soupir entre les bras de l’archevêque de Tolède qui se trouvait par bonheur à Palancia et qu’il envoya chercher une dernière fois selon la promesse qu’il lui avait faite, six mois auparavant, de l’appeler à l’heure de sa mort.
Il avait vécu cinquante-sept ans, sept mois et vingt et un jours, il avait régné quarante-quatre ans, gouverné l’empire trente-huit, et de même qu’il était né le jour de la fête d’un apôtre, saint Mathias, le 24 février, il mourut le jour de la fête d’un autre apôtre, saint Mathieu, c’est-à-dire le 21 septembre. Le père Strada raconte dans son Histoire des Flandres que, la nuit même de la mort de Charles Quint, un lys fleurit dans le jardin du monastère de Saint-Just, de quoi les religieux ayant été avertis, ce lys fut exposé sur le grand autel comme une preuve évidente de la candeur de l’âme de l’empereur. 
C’est une bien belle chose que l’histoire ! aussi, ne nous jugeant pas digne d’être historien, nous sommes-nous fait romancier. 

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