La mort du roi, père de Florine, provoque les protestations du peuple, qui tue la
mauvaise reine et délivre la princesse. Une fois libre, elle se masque et part rechercher
son amant. Auprès d’une fontaine, elle aide une fée qui lui donne des œufs magiques que
Florine emploie pour surmonter de nombreux obstacles et arriver ainsi dans le royaume
de Charmant. Non reconnue, elle se présente comme la vagabonde Mie-Souillon et elle
fait des cadeaux magiques à Truitonne pour pouvoir dormir dans le palais, dans la
chambre des Échos. Celle-ci est une pièce particulière car elle est directement reliée à la
chambre du Roi. Florine passe deux nuits à chanter sa douleur dans ce lieu, mais le roi
ne l’entend pas car il a pris de puissants narcotiques. Avant d’y passer la troisième nuit,
Florine paie un valet de chambre afin qu’il ne donne pas les somnifères à Charmant. La
dernière nuit, il peut finalement entendre son aimée et la reconnaître. Les deux amants se
rencontrent et leur union est bénite par l’Enchanteur et la bonne Fée des Sources, tandis
que Truitonne est transformée en truie, comme punition pour avoir séparé un couple
destiné à rester uni.
....
Le style
baroque qui caractérise la prose d’Aulnoy est plus spécialement évident dans ..., la description des cadeaux que Florine donne à Truitonne afin
de pouvoir dormir dans le palais de Charmant ... Le traducteur abrège, donc, ces séquences afin de les rapprocher
de modèles populaires.
La mise en relief du rôle plus actif de la femme dans le conte émerge de l’attitude
de Florine lorsqu’elle part chercher son amant. Elle arrive au château de Charmant et –
déguisée en Mie Souillon – échange des objets contre la possibilité de passer trois nuits
dans la Chambre des Échos, d’où elle pourra murmurer au prince. Le plan pour
reconquérir son amant atteint son but quand elle apprend que ce dernier avale de
l’opium pour dormir et elle prie le valet de chambre de l’aider :
« Ma Mie-Souillon, savez-vous bien que, si le roi ne prenait pas de l’opium pour dormir, vous
l’étourdiriez assurément ? Car vous jasez la nuit d’une manière surprenante. »
Florine ne s’étonna plus de ce qu’il ne l’avait pas entendue ; elle fouilla dans son sac et lui dit :
« Je crains si peu d’interrompre le repos du roi, que si vous voulez ne point lui donner d’opium ce
soir, en cas que je couche dans ce même cabinet, toutes ces perles et tous ces diamants seront pour
vous. »
Dans la traduction en langue anglaise d'Edmond Dulac, Florine joue un rôle beaucoup plus actif, car
elle utilise ses qualités féminines pour conquérir le valet de chambre de Charmant et le
convaincre de ne pas donner au roi son narcotique : « She sought the Prince’s head valet,
and made herself so charming to him that he lost his head altogether, and was more than
willing to fulfil her lightest wish » [« elle chercha le valet de chambre principal du
Prince, et elle fut si charmante qu’il perdit complètement la tête et il était plus que
désireux d’accomplir tous ses désirs »]. L’ajout du dialogue qui suit cette séquence
montre l’initiative de la fille et sa capacité de trouver la solution aux problèmes qui la
tourmentent.
....
Le style des illustrations dans le volume reflète la conception du merveilleux de la
fin du XIXe
siècle. Les personnages, reconnaissables par leurs caractéristiques
symboliques comme la beauté ou la laideur, portent des vêtements qui permettent de les
lier à une époque ancienne mais précise : celle de Louis XIV. Cela se remarque surtout
dans la première illustration du volume, celle pensée pour la rencontre entre Florine et
Charmant. Cette manière de représenter les personnages permet de rapprocher
l’album (de la Bibliothèque Bleue) du volume illustré par Rie Cramer. Cette même illustration permet de constater
comment l’imprimeur désire innover des sujets anciens. Si le portrait de Charmant ne
varie pas par rapport à celui présent dans des volumes plus anciens, le personnage de
Florine se renouvelle profondément par rapport au passé. Cette variation nous aide à
comprendre que la princesse est l'incarnation même du conte, vu que ses représentations
changent dans le temps tout comme le texte du conte. La représentation de la deuxième
rencontre des deux protagonistes, dans la tour (Fig.74) est placée à côté du moment de la
transformation ... en prince. Elles permettent aux lecteurs adultes de confronter
les deux types de mariage que le conte décrit. A gauche, la libre union du cœur ; à droite,
le mariage forcé entre Truitonne et Charmant. Le mariage d’amour est un contrat privé
entre deux personnes, tandis que le mariage arrangé est une affaire publique qui apporte
des avantages aux deux membres. Cette considération s’adresse aux mères qui lisent les
textes, tandis que la rencontre entre ... et la princesse est représentée de manière à ne pas heurter la sensibilité des plus jeunes.
Au-delà de la réécriture complète, il y a aussi d’autres formes qui manifestent les
influences d’un hypotexte sur un hypertexte. En premier lieu, la citation. Citer le titre
d’un ou de plusieurs contes de Mme d’Aulnoy dans une œuvre moderne signale la
présence de cette auteure dans les souvenirs des lecteurs. Elle permet aussi de définir le
contexte de l’œuvre moderne, qui s’enracine dans le passé des récits féeriques, suggérant
aux lecteurs de chercher les différences et les ressemblances entre les deux genres. En
deuxième lieu, l’allusion. Elle est « la référence à un texte connu qui permet d’établir une
complicité avec le lecteur ». Tandis que la citation reprend les mots exacts inventés par
un auteur, dans l’allusion l’écrivain reste beaucoup moins précis. Par exemple, dans le
volume rédigé par Alphonse Daudet, Le roman du Chaperon Rouge (1903), l’auteur
nomme le prince dont Chaperon Rouge tombe amoureuse : Charmant. ... Appeler un personnage
« Charmant » permet, donc, à Daudet de faire allusion aux contes de Mme d’Aulnoy,
mais aussi à une atmosphère liée au merveilleux classique. Ensuite, la reprise. Le terme
décrit le phénomène qui s’obtient quand « l’auteur puise chez ses prédécesseurs un
personnage ou un sujet et s’en approprie en les traitant à sa façon ».
....
Un autre objet ... se prête bien à être modifié : le gâteau que
la reine doit jeter aux lions afin de les apaiser et de pouvoir ainsi pénétrer dans le
domaine de la Fée du Désert. Mme d’Aulnoy dédie très peu de lignes à la description de ce dessert : « il fallait leur jeter du gâteau fait de farine de millet, avec du sucre candi et
des œufs de crocodiles ». Doyle traduit presque à la lettre ce passage, considérant la
description comme suffisante pour véhiculer un sens de merveille. La situation change
si on se tourne vers des pièces pensées, d’une manière plus spécifique, pour les enfants.
La pauvreté de la caractérisation originale permet, en effet, aux auteurs pour l’enfance de
créer des gâteaux à la recette très compliquée, comme celle d’une potion magique, ou
d’un médicament, choses qui gardent encore beaucoup de mystère pour des jeunes
spectateurs. C’est le cas de la pièce de Keating The Yellow Dwarf : a Fairy Extravaganza in
one Act (1864), où la fée Alwaisatanda décrit ainsi le plat capable d’apaiser les lions,
devenus un féroce dragon dans cette œuvre :
This cake of magic herbs […], so nice is,
That – what with sweetmeats, almonds, sugars, spices,
Narcotic, poppy-juice – the dragon will
Twelve hours require to sleep his feel.
Ce gâteau d’herbes magiques est si délicieux,
Qu’avec des bonbons, des amandes, des sucreries, des épices,
Du narcotique, du jus de pavot, le dragon dormira
Pendant douze heures.
A mi-chemin entre potion magique et médicament, cette tarte parle à
l’imagination des enfants, parce qu’elle contient beaucoup d’ingrédients. Si la recette est
pensée pour un public de jeunes, il y a un élément qui émerge comme une aporie :
l’allusion au narcotique que la reine emploie pour assurer le repos du dragon. Ce détail
est lié à la culture de l’époque victorienne, où les drogues connaissent un très grand essor
et les médicaments commencent à être de plus en plus diffusés. Il permet, en outre, de
montrer comment le théâtre à domicile sait renouveler les pièces suivant les modes et les
influences qui proviennent de l’extérieur afin d’habituer les enfants à leur vie d’adultes. Cette allusion a aussi une deuxième fonction : elle parle aux adultes afin de garantir à la
pièce une plus grande popularité.
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